ADAM ET EVE: ET SI C'ETAIT VRAI (Suite 1)

   Adam conduisit ses hommes dans une cabane à l'écart des autres.  Il avait de grands projets et souhaitait en faire part à son "staff' (un mot qu'il avait entendu de l'un de ses fidèles, encore un de ces mots barbares qui ne faisait pas parti du quotidien).

   La réunion ne dura pas longtemps. Nous apprendrons plus tard de quoi il était question. Il présenta Arrper officiellement à ses hommes. Celui-ci n'avait pas été encombrant pendant le voyage, c'est le moins qu'on puisse dire, il restait toujours à l'écart, toujours très souriant et aimable, parlant peu, aidant beaucoup, très respectueux envers ses aïeux, il restait discret malgré les encouragements à partager les discussions et les compliments que lui faisaient  nos deux héros. Adam ne manqua pas de préciser à son responsable du logement de penser à préparer une case avec tout le confort pour leur invité et de demander au chef cuisinier de lui préparer les repas quotidiens. 

   Avant toutes choses, il voulait comprendre la fameuse énigme de la langue étrangère ou en tout cas des nouveaux mots qu'il entendait de plus en plus souvent. Adam avait suffisamment d'expérience dans la pratique du vocabulaire français (étonnamment, il parlait un français d'une grande pureté), qu'il ne voulait à aucun prix d'une autre langue.  Il pensait, peut être à juste titre, qu'une certaine influence néfaste venant d'ailleurs était en passe de supplanter insidieusement sa langue Paternelle. Il ne voulait pas de ce péril menaçant. La notion de pays était très vague dans son esprit, évidemment  mais il sentait au plus profond de son coeur  qu'il devait une reconnaissance éternelle à l'endroit qui l'avait vu naître, avec Eve  et surtout  à son Père et Maître qu'il avait connu très brièvement à la "naissance".  Il souhaitait se faire pardonner avec sa chérie d'avoir céder devant cette belle pomme bien mûre, la tentation était plus forte que tout et :"Nous avions tellement faim mon Dieu".  Ce Père n'avait  pas choisi l'endroit par hasard et Adam resterait fidèle à cet immense honneur.

    De plus, il était le plus heureux des hommes chez lui et rien ni personne ne le ferait changer.   Il adressait souvent des prières pour cela aussi à Son Père d'Exception. Dans ce cas, c'était plutôt des rapports d'activités qu'il communiquait et ceux ci  semblaient parfaitement convenir à Dieu qui n'avait jusqu'alors jamais  fait une seule remontrance.

   Nos deux tourtereaux, fatigués de leur voyage assez long et mouvementé décidèrent d'aller passer la fin de la journée chez eux et de prendre  une bonne nuit de sommeil, demain, le jour se lèverait en face (à l'est, déjà ). Eve allait préparer une omelette aux grosses herbes. Ils se retirèrent dans leur case, non sans avoir souhaiter une bonne "sombritude" (nuit) à tous leurs amis.

    Une fois chez eux, ils se regardèrent longuement, on sentait dans leurs regards, non seulement une certaine lassitude mais aussi une envie incontrôlable de parler de leur séjour chez les Petits. Cette visite les avaient vraiment touchés et marqués. Ils étaient si accueillants ces petits et ils avaient appris tellement de choses! Eve parla la première:

   -Mon chéri, nous devons nous mettre à jour sur beaucoup de nos coutumes, je crois...

   - J'allais te le dire mon petit pitou (loup). Nous allons nous y employer, cela sera notre prochain chantier. Avant ça, il y a quelque chose que je voudrais comprendre, puis résoudre et, pour tout te dire, une chose qui m'inquiète un peu!

   - Qu'est-ce que c'est mon Ad, tu n'es pas malade au moins? Tu m'inquiètes là!

   -Non, ma chérie, tout va bien de ce côté, je t'explique. J'entends, de plus en plus souvent des mots étrangers, comme garden, OK, breafing, staff et j'en passe. Ce qu'il y a de bizarre, c'est que tout le monde en comprend le sens et les emploient... Mais ça vient d'où ça?

   - Ah, tu me rassures, c'est ça qui te chiffonnes?

   -Ben oui...

   -C'est moi qui les lance ces nouvelles expressions ou mots, c'est du "RoseBridel" avoua en souriant notre Veve.

   -Mais comment tu sais ça?

   - Je ne sais pas, c'est venu tout seul, c'est le serpent qui m'avait parlé dans cette langue bizarre, tu te souviens,  j'avais compris ce qu'il nous disait au sujet du fruit qui nous a coûté si cher, ne me demande pas pourquoi, je n'en sais rien. C'est resté un mauvais souvenir pour moi, c'est la raison pour laquelle je m'étais promis de ne plus utiliser ce bla bla "RoseBridel".

   - Mais qu'est ce que ça veut dire Rose bridel?

   -Tu ne te rappelles pas du bridel? ( sorte de buffle).

   - Ah oui, bien sûr!

   - Eh bien, les années passant, RoseBridel est devenu RoseBrid, roseBrif et enfin Rosbeef.  Et puis tu vois je les ai remis sur l'herbe (tapis) sans m'en rendre compte... enfin, te voilà rassuré, j'espère?

   -Ah oui vraiment, je me faisais tout un "pourtour" (on dirait cinéma aujourd'hui). Merci ma Veve. Mais tu sais, plutôt que de l'écarter cette langue, nous allons essayer de la garder, comme seconde langue et de la développer, ça pourrait servir à nos jeunes... Comme tu la parles couramment, ce sera facile pour toi de leur apprendre et sait-on jamais, encore que je ne serai pas prêt à parier un "GrosBec" (ancêtre du kopek) sur un charabia pareil d'où qu'il vienne, sans avenir à mon avis? Il faudra que tu m'apprennes.

   - Oui, c'est vrai tu as raison, allez... Allons avaler et nous nous mettrons à la "coucherie" (lit), mon chéri.

   Le regard de notre cher Adam se fit plus brillant, pétillant de mille feux, ce qui fit dire à Eve:

   - Peut être pas ce soir my little boy... Nous avons besoin de sommeil.

   - Oh, juste un peu, maille  littel boille... répéta Adam avec difficulté.

   -Non, tu dois dire, my little girl, je suis une fille.

   -Oui, ben justement, tu es une gueurle, je suis un boille, tu vois ce que je veux dire?

  - Encore? Nous verrons, "avale" (mange) ton omelette déjà.

   La soirée et la nuit se passèrent très agréablement pour nos deux amoureux, notons que Adam avait obtenu ce qu'il voulait de sa chère compagne.

   Le "petit léger" (petit déjeuner) se composait surtout de fruits et de viande, mais ce jour là une surprise les attendait. En effet, lorsqu'ils étaient partis pour  le village des Petits, Eve avait tiré du lait de son animal préféré et l'avait entreposé dans une amphore puis placé dans le réduit très frais creusé assez profondément dans le sol et recouvert d'un couvercle tressé de calumets à mailles courtes et serrés, c'était la cave.  Lorsqu'elle voulu verser ce lait dans les bols d'argile qu'ils avaient confectionné, il ne coula qu'un mince filet qui ressemblait beaucoup à de l'eau trouble, avec une odeur assez particulière. En penchant plus l'amphore, un gros morceau de lait solidifié tomba dans le bol. Eve appela Adam, ils constatèrent éberlués, ce bloc de lait, en se posant mille questions.

   -Qu'est-ce que c'est que ça? s'exclama Eve.

   -Bizarre, ma Veve, tu n'as plus qu'à le jeter.

   - Non, non, attends, goutte voir, demanda Eve.

   - Tu crois, c'est peut être du poison?

   - Mais non mon chéri, c'est bien blanc, tu ne risques rien, allez, pas de caprice, tu veux bien?

   - J'en ai envie aussi, c'est plutôt appétissant, qu'est-ce qu'on peut aimer manger, hein? 

   Adam se saisit d'une petite branche terminée en V et prit délicatement un morceau de "lait". Sa "branchée" (fourchetté) resta bien solide, il mordit un petit morceau et fut tout de suite conquis par ce goût, en reprit un morceau bien plus gros, il eut l'air ravi, le fit goûter Eve qui en apprécia tout de suite la texture et la qualité.

   - Ma Veve, on vient d'inventer un nouveau truc, c'est délicieux. On va le faire connaître et on va en fabriquer plein. (Malgré nos recherches, nous ne savons pas comment s'appelait ce fromage, il est possible qu'ils l'aient appelé: le CAPRICE DES DEUX). En tout cas le fromage était né.

    Adam fit un gros baiser à Eve, avant de sortir.

   -Ma chérie, je vais faire le tour du village, il y a pas mal de choses à voir, tu viens ?

   - Non, mon petit perlot (perdreau), je vais commencer mes leçons avec Arrper.

   - Ah oui, je te raconterai alors.

                                                                  C'est passionnant, il y aura encore une suite